Alors que le street art se monnaie dans les galeries d’art, dans les rues, les graffitis sont les cibles d’une lutte acharnée. Tous les ans, ce sont plusieurs milliards d’euros qui sont investis au niveau mondial dans des systèmes de sécurité, de nettoyage et de prévention. Graffeurs eux-mêmes, les auteurs ont ainsi vu leurs inscriptions disparaître de plus en plus rapidement. Leur regard s’est alors décalé : du graffiti, c’est sur son effacement qu’ils se sont penchés.
De l’avènement de l’hygiénisme au XVIIIe siècle à la mise en place d’un véritable marché sécuritaire à partir des années 1980, les auteurs retracent l’histoire de la répression de ce geste d’apparence anodine. Ils cherchent ainsi à comprendre ce qui se joue dans la gouvernance des espaces urbains contemporains et alertent sur ces effacements, signes avant-coureurs de logiques de contrôle bien plus insidieuses, qui ne concernent plus seulement celles et ceux qui écrivent dans la ville.
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Si l’art de policer une ville possède une longue histoire, il connaît aujourd’hui un certain raffinement : il y a mille moyens de tenir la rue propre et bien ordonnée. De l’interdiction d’un marché en centre-ville aux politiques de réfection de la voirie, en passant par la répression des mouvement populaires et la lutte contre les graffitis, une même bataille se répète, inlassablement : faire plier les corps réfractaires, radier leurs mots, invisibiliser les présences indésirables, gommer leurs gestes et leurs traces. En dessinant ce que la métropole cherche à effacer, ce livre en dresse une critique au ras du sol - et esquisse, en creux, ce qui tente de lui résister.