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[Brochure] Cultures de la sécurité


La sécurité, c’est pas une notion qui nous plaît. Toujours une sorte de prétexte pour s’aplatir, se soumettre à l’État, à la norme qui circule pour faire de nos vies des chemins lisses, rectilignes, avec de jolis horizons pastels et policiers tout rassurants.
Pourtant, on ne va pas le cacher, nous aussi on a peur. On a la rage, mais on a peur. Peur de se faire chopper, des keufs, de la tôle. Et cette peur est paralysante. C’est cette peur qui me retient dans le droit chemin, quand tout le reste en moi m’inspire la sortie de route, la destruction de cet environnement lisse, apprivoisé, prévisible, lisible.
Alors quoi, construire les cultures de sécurité qui donnent son titre à cette brochure, c’est construire en groupe, entre complices, une confiance suffisante pour chasser la peur, faire tout notre possible pour que personne ne se fasse attraper.

Voici un texte adapté de l’anglais, trouvé dans un chouette bouquin édité aux USA par CrimethInc. sous le titre Recipes for disaster — an anarchist cookbook.

Un texte adapté parce qu’on l’a lu, des bouts nous ont plu, mais pas tout, alors on l’a pris, malaxé avec nos petites mains pour en faire un truc qui nous convient mieux et que tu lis présentement.

Une culture de la sécurité est une série d’habitudes, de coutumes partagées par une communauté dont les membres peuvent être impliqué·e·s dans des activités illégales, et dont la pratique minimise les risques encourus.
Avoir mis en place une telle culture peut éviter aux membres du groupe de réinventer à chaque fois la roue en la matière, et contribue à limiter les sentiments de paranoïa et de panique dans des situations stressantes — ça peut aussi vous éviter d’aller en tôle. La différence entre protocole et culture est qu’une culture devient inconsciente, « instinctive », et bouffe donc au final peu d’énergie ; une fois que le comportement le plus sûr est devenu commun à toustes dans les cercles au sein desquels vous voyagez, vous pouvez passer moins de temps à en souligner le besoin, à souffrir des conséquences de ne pas en disposer, et à vous inquiéter de savoir à quel point vous êtes en danger, sachant que vous faites déjà tout ce que vous pouvez pour être prudent·e. Si vous avez l’habitude de ne pas confier quoi que ce soit de sensible à votre propos, vous pouvez collaborer avec des inconnu·e·s sans vous demander s’illes sont des indics ou non ; si chacun·e est au courant de ce dont il ne faut pas parler au téléphone, vos ennemi·e·s pourront mettre vos lignes sur écoute tant qu’illes voudront, cela ne les mènera nulle part (« 

Mais les taupes et les indics, vous en faites quoi ? », demandait un agent de CrimethInc., il y a longtemps, lors de sa première grande mobilisation. « Nous les mettrons de corvée de patates. » fut la réponse circonstanciée d’un organisateur expérimenté…).

Personne ne devrait être mis au courant d’une information sensible s’ille n’a pas besoin de la connaître, tel est le principe central de toute culture de la sécurité,
le point sur lequel on n’insistera jamais trop. Plus les informations compromettantes pour des individu·e·s ou des projets — qu’il sagisse de l’identité d’une personne ayant commis un acte illégal, du lieu d’une réunion privée, ou de plans pour une action future — sont répandues, plus y a de chances pour qu’elles tombent entre de mauvaises mains. Partager de telles informations avec quelqu’un·e qui n’en a pas besoin ne lui rend pas du tout service : ça crée une situation inconfortable où une erreur individuelle peut foutre le souk dans la vie de plusieurs autres personnes. S’ille est interrogé·e, par exemple, ille aura quelque chose à cacher, plutôt que d’être en mesure de clamer « honnêtement » son « innocence ».

Ne posez pas de questions, ne (vous la) racontez pas. Ne demandez pas aux autres de partager une info confidentielle dont vous n’avez pas besoin. Ne racontez pas sur tous les toits les actions (illégales) que vous ou d’autres avez réalisées, ni des choses qui vont arriver, ou risquent d’arriver ; ne faites même pas référence au fait qu’une autre personne s’intéresse à de telles activités et voudrait s’y engager. Restez attentif·ve·s quand vous parlez, ne vous laissez pas aller sans y penser à des allusions maladroites, des sous-entendus qui ne disent rien mais laissent tout entendre…

Vous pouvez dire non n’importe quand, à n’importe qui, à propos de n’importe quoi. Vous pouvez refuser de répondre à des questions
— pas seulement à celles des officiers de police, c’est aussi valable avec les camarades, y compris les plus proches : s’il y a quoi que ce soit que vous trouviez imprudent de partager, gardez-le pour vous. Cela signifie aussi apprendre à accepter que vos complices fassent de même avec vous : s’illes désirent avoir une conversation/réunion entre elleux, s’illes vous demandent de ne pas vous impliquer dans un projet, essayez de leur faire confiance, et de ne pas le prendre trop violemment — illes cherchent sans doute à faire pour le mieux, après tout, ce sont elleux que vous avez choisi·e·s pour camarades.
De même, ne vous impliquez pas dans un projet que vous ne sentez pas, ne collaborez pas avec une personne avec qui vous vous sentez mal à l’aise ; quelle que soit la situation, ne cherchez pas à ignorer ce que vous ressentez « instictivement » : si quelque chose tourne mal par la suite, vous risqueriez de le regretter. Il est de votre « responsabilité » de ne laisser personne vous parler de quelque chose qui vous fasse prendre des risques que vous n’êtes pas prêt·e à assumer.

Ne balancez pas vos ami·e·s.
Si vous êtes capturé·e, ne donnez jamais aucune information susceptible de mettre en danger quelqu’un·e d’autre. Certain·e·s recommandent que chaque participant·e au groupe d’action directe prête serment de manière explicite : ainsi, dans le pire des scénarios envisageables, au moment où la pression peut rendre difficile la distinction entre donner quelques détails peu compromettants et se mettre à table complètement, chacun·e saura exactement quels engagements ille a pris vis-à-vis des autres.

Ne facilitez pas la tâche à vos ennemi·e·s, ne les laissez pas deviner trop facilement ce que vous allez faire. Ne soyez pas trop prévisibles dans les méthodes, les cibles, les lieux et les moments de réunion que vous choisirez. Ne soyez pas trop visibles publiquement au sein d’une lutte pour laquelle vous préparez une action directe sérieuse ; peut-être est-il même préférable d’éviter tout association avec les organisations et la campagne « officielles » ; ne laissez pas traîner votre nom sur les listes email et/ou dans les médias. Si vous êtes impliqué·e dans de sérieuses activités clandestines avec quelques camarade, vous pouvez choisir de limiter vos interactions en public, voire de vous éviter complètement les un·e·s les autres. Par ailleurs, il est très facile pour les flics d’avoir la liste des numéros composés depuis votre téléphone, et de l’utiliser pour établir des connexions entre les individu·e·s ; il en va de même pour vos emails.

Ne laissez pas de traces  : chaque utilisation de votre carte bancaire, chaque coup de fil passé avec un téléphone, etc., laisse une trace de vos mouvements, achats, contacts. Il vaut mieux avoir un alibi, que vous pourrez soutenir, avec des faits vérifiables. Vos poubelles peuvent en apprendre beaucoup sur votre compte — y’a pas que les freaks qui font les poubelles ! Sachez exactement où se trouve chaque document qui pourrait vous incriminer — et détruisez-les dès que possible. Le mieux est encore qu’il y en ait le moins possible dès le départ : apprenez à utiliser votre mémoire. Assurez-vous aussi de ne laisser aucun double « fantôme » de tels documents, imprimé malgré vous sur les surfaces où vous avez écrit, qu’il s’agisse d’un bureau en bois ou de blocs de papier. Gardez aussi en mémoire que chaque utilisation d’un ordinateur laisse des traces, ne croyez pas les geek·e·s qui prétendent le contraire

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